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Paul Goldman, éditeur

L'intelligence artificielle : au service des ressources humaines ?

Dernière mise à jour : 28 mars 2023

Au cours des prochaines années, la recherche des meilleurs talents dépendra de la capacité du recruteur à automatiser intelligemment son flux de travail.


Actuellement, la majorité des processus de recrutement sont effectués principalement par des recruteurs. Leur travail consiste bien sûr à parcourir les CV reçus pour ne retenir que les meilleures candidatures, avec qui ils établiront un contact dans le but de conduire divers entretiens (O’Donovan, 2019). Cette tâche peut toutefois facilement devenir laborieuse sans l’aide de l’informatique. C’est pourquoi de nombreux recruteurs recourent à des logiciels de gestion de candidatures.


Mais le dépistage des meilleurs talents est aujourd’hui compliqué par l’ajout de nouvelles sources de candidatures potentielles : il inclut maintenant aussi la consultation de profils en ligne, de bases de données de talents internes et externes, et la recherche sur des sites Web qui ne cessent de se multiplier. L’analyse de cet océan de données provenant de sources multiples gagne dorénavant à être déléguée à un système d’intelligence artificielle, afin de gagner du temps.


Grâce aux possibilités qu’offre un tel système, les candidats peuvent en outre interagir avec une entité dotée d’une intelligence artificielle pour soumettre leur CV, répondre à des questions élémentaires et passer des tests préliminaires, comme des tests psychométriques simplifiés. Cependant, les applications de l’intelligence artificielle dans le domaine des ressources humaines sont encore bien imparfaites.


Limites actuelles de l’intelligence artificielle 


De nombreuses recherches soutiennent l’idée que les préjugés inconscients liés à des facteurs tels que l’âge, le sexe, le statut socio-économique ou même le nom d’un candidat constituent des biais possibles dans le processus d’embauche. Même si une entreprise et ses recruteurs ont les meilleures intentions, un parti pris inconscient peut se glisser, donnant à certains candidats une meilleure chance pour des raisons autres que le mérite. Un autre biais pourrait par exemple être basé sur le fait que le recruteur perçoit favorablement l'expérience de travail dans une entreprise reconnue ou prestigieuse, telle que Apple.


L’important avec l’utilisation d’un algorithme comme celui utilisé par l’intelligence artificielle dans le processus de recrutement est de s’assurer qu’il n’y a pas de biais systématique de programmation.


Le cas d’Amazon


Des chefs de file comme Amazon ont déjà utilisé l’intelligence artificielle pour recruter des candidats à des postes vacants. Cependant, programmés pour reproduire l’intelligence humaine (ses modes de jugement, sa logique, ses processus décisionnels, etc.), ces systèmes peuvent avoir des défauts, tout comme les gens. Ainsi, en 2018, Amazon a dû abandonner son système de recrutement basé sur l’intelligence artificielle après avoir constaté que le système avait une préférence marquée pour les candidats de sexe masculin.


SAN FRANCISCO (Reuters), 9 oct. 2018 — Les spécialistes de l’apprentissage automatique d’Amazon.com (AMZN.O) ont découvert un gros problème : leur nouveau moteur de recrutement n’aimait pas les femmes.


L’équipe créait des programmes informatiques depuis 2014 pour examiner les curriculums vitæ des candidats à un poste dans le but de mécaniser la recherche des meilleurs talents, ont déclaré à Reuters cinq personnes familiarisées avec cet effort.


L’outil d’embauche expérimental de la société utilisait l’intelligence artificielle pour donner aux candidats des notes allant de une à cinq étoiles — un peu comme les acheteurs évaluent les produits sur Amazon, ont déclaré certaines personnes.


« Tout le monde voulait ce Saint Graal », a déclaré un employé non identifié de Amazon. « Ils voulaient littéralement que ce soit un moteur dans lequel je vais vous donner 100 curriculums vitæ, et ce seront les cinq meilleurs qui seront choisis ! »


Mais en 2015, la société a réalisé que son nouveau système ne notait pas les candidats aux postes de développeur de logiciel ni aux autres postes techniques de manière non sexiste.


Ce constat récent qu’a fait Amazon des limites d’un tel processus de recrutement est représentatif des imperfections qui existent encore aujourd’hui dans le fonctionnement de systèmes intelligents semblables. Par ailleurs, cette expérience menée par le géant du commerce en ligne laisse entrevoir que l’introduction de ces technologies dans le domaine des ressources humaines est associée à des coûts exorbitants, qui nécessitent des moyens que n’ont pas les entreprises de taille moyenne et les PME.


Considérations éthiques


Au-delà de ces considérations pratiques, « l’intelligence artificielle ne devrait pas être utilisée pour diminuer les droits sur l’utilisation de nos données personnelles, ni la vie privée d'individus, de familles ou de communautés » (Étude de la Chambre des lords du Royaume-Uni, 16 avril 2018).

Depuis la dernière décennie, la confidentialité des données était déjà au centre de l'attention du public en raison de l'entrée en vigueur de lois visant la protection des données personnelles, mais c'est maintenant un sujet extrêmement délicat, en partie à cause de la mauvaise presse que Facebook et Cambridge Analytica ont reçue ces deux dernières années.


Certes, « l’intelligence artificielle devrait fonctionner selon des principes d’intelligibilité et d’équité ». (Étude de la Chambre des lords du Royaume-Uni, 16 avril 2018). Mais les possibles incohérences et iniquités liées au recours à l’intelligence artificielle sont-elles toujours évidentes pour les acheteurs de ces logiciels ? Comment les décisions relatives au recrutement peuvent-elles être prises équitablement si le jugement des systèmes, comme celui des humains, peut être teinté de divers biais ?


Conclusions


Nous n’en sommes encore qu’au début de l’ère de l’intelligence artificielle dans les processus RH, mais nous devons rester à l’affût des implications que cela engendrera. Nous sommes bien loin de la simple utilisation de tests psychométriques, requérant encore l’exercice du jugement humain, afin de valider des habiletés cognitives, la motivation ou la personnalité d’un candidat.

Pour l’heure, il faut se garder d’une utilisation irréfléchie et précipitée de l’intelligence artificielle dans les processus de recrutement et attendre de voir comment les tribunaux jugeront les modes décisionnels de ces systèmes intelligents dans les cas de discrimination.

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