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Paul Goldman, éditeur

La COVID-19 et les tests psychométriques à distance non supervisés

Depuis le début de la pandémie causée par le coronavirus, nous recevons un grand nombre d’appels de la part de professionnels qui se disent préoccupés par l’administration de tests psychométriques à distance et par les risques de tricherie qui y sont associés. Peut-on se fier aux résultats ? Voici quelques réponses à leurs questions.

Dans le contexte actuel, nous sommes confrontés au défi d’évaluer les candidats sans les rencontrer. Or, de nombreux professionnels s’inquiètent de l’administration de tests à distance, puisque ceux-ci ne sont pas supervisés. Encore aujourd’hui, la plupart préfèrent administrer les tests psychométriques dans des environnements contrôlés, c’est-à-dire sous supervision, dans les locaux de leur entreprise ou dans leur bureau professionnel. Ils s’assurent ainsi de l’uniformité des conditions dans lesquelles se déroulent ces tests, conformément aux normes de pratique du testing énoncées par l’American Psychological Association.

Pourtant, depuis plus de 20 ans et surtout dans la dernière décennie, les pratiques ont beaucoup évolué dans l’industrie, les tests de personnalité et certains tests d’habiletés cognitives étant de plus en plus administrés à distance. Bien que cette approche comporte certains risques, les avantages coûts/bénéfices de cette méthode ont séduit un grand nombre d’entreprises et de professionnels, qui n’ont pas hésité à l’adopter.

QUE DIT LA RECHERCHE À CE SUJET ?

Quantité de chercheurs (voir la liste à la fin de cet article) se sont penchés sur la question afin d’évaluer le risque associé à l’administration de tests à distance sans supervision. On peut en effet recenser plus d’une dizaine d’études publiées dans des revues scientifiques, ainsi que des thèses de doctorat.

Tests de personnalité

Dans le cas des tests de personnalité, il est connu que le facteur de désirabilité sociale peut avoir une influence sur les réponses des candidats. Celui-ci est susceptible d’intervenir lorsque des individus devant répondre à des questionnaires qui portent sur leurs perceptions anticipent la signification de la mesure. Cependant, des études démontrent qu’un tel comportement n’a pas davantage d’incidence dans un contexte non supervisé. Il faut savoir, en effet, que les normes relatives aux tests de personnalité utilisés en contexte de sélection ou de recrutement sont conçues pour atténuer ce facteur de désirabilité sociale.

Nous pouvons donc en conclure, sur la base d’une revue de la littérature, que le risque associé à l’absence de supervision est faible dans le cas des tests de personnalité administrés à distance.

Tests d’habiletés cognitives

Dans le cas des tests d’habiletés cognitives, le risque d’une administration sans supervision est plutôt associé aux stratégies qui peuvent être élaborées par le participant pour tricher.

La première stratégie consiste à utiliser des moyens connexes, tels que l’accès à un dictionnaire, à Internet ou à une calculatrice, pour répondre aux questions. Cette stratégie peut toutefois être contrecarrée par l’utilisation de tests chronométrés, qui minimisent la possibilité de recourir à de telles ressources dans le temps imparti pour terminer le test.

Une autre stratégie consiste pour le candidat à faire passer le test à une personne qu’il évalue comme ayant de meilleures aptitudes cognitives que lui-même, et ce, afin de s’attribuer ses résultats. Cette stratégie requiert bien sûr une bonne connaissance de cette personne et une grande confiance en ses capacités. Des mécanismes de contrôle, tels que la surveillance par l’activation d’une caméra, peuvent être déployés afin de contrer cette stratégie, mais ils pourraient être perçus comme intrusifs et contrevenir au respect des règles protégeant la vie privée. Aucune décision n’a été rendue par la Cour suprême à cet effet, mais rappelons que l’on ne peut discriminer un individu sur la base de son âge ou de son sexe, et qu’il est interdit de demander sa photo à un candidat dans un processus de recrutement. L’utilisation d’une caméra pourrait en ce sens être jugée discriminatoire.

Les études d’Arthur et collab. (2009 et 2010) révèlent cependant que la grande majorité des gens sont honnêtes, puisque seuls environ 7 % des candidats élaborent des stratégies visant à tricher, ce qui n’est probablement pas plus que le pourcentage de tricheurs qui, dans la société, adoptent des comportements non éthiques, peu importe les circonstances. Les auteurs en concluent qu’un tel comportement n’aurait donc pas davantage d’incidence en contexte non supervisé.

Nous pouvons dès lors en déduire que le risque associé à l’absence de supervision n'a aucun effet discernable sur les résultats aux tests d’habiletés cognitives réalisés à distance lorsque les conditions de testing ont été conçues pour éviter de tels comportements (par exemple, par l’introduction de tests chronométrés par le serveur).

Tests non supervisés et performance à l’emploi

Une autre étude réalisée par Landers (2016) confirme que la préoccupation au sujet des tests faits à distance sans supervision (Unsupervised Internet Testing, ou UIT) et sans vérification de suivi est qu’en raison du risque de tricherie, la validité des tests diminue dans une mesure inconnue. Cependant, ce point de vue ne tient pas compte d'un avantage potentiel de l'UIT : si ce dernier augmente la taille du bassin de candidats, une entreprise avec un objectif fixe en termes de nombre de candidats nécessaire pour passer à l'étape suivante du processus d'embauche peut augmenter le score de coupure, et donc être plus sélective. Dans cette étude, une simulation a été réalisée pour déterminer si cet avantage l'emportait sur l'inconvénient de la tricherie dans la prévision de la performance au travail. La conclusion était la suivante :

lorsque le bassin de candidats est considérablement augmenté grâce à l'UIT, les résultats associés à la performance au travail sont souvent plus élevés, même lorsque de nombreux candidats augmentent leurs scores aux tests grâce à la tricherie.

Références bibliographiques

Arthur, W., Glaze, R. M., Villado, A. J., & Taylor, J. E. (2009). Unproctored Internet-based tests of cognitive ability and personality: Magnitude of cheating and response distortion. Industrial and Organizational Psychology, 2(1), 39-45.

Arthur, W., Glaze, R. M., Villado, A. J., & Taylor, J. E. (2010). The magnitude and extent of cheating and response distortion effects on unproctored internet‐based tests of cognitive ability and personality. International Journal of Selection and Assessment, 18(1), 1-16.

Bloemers, W., Oud, A., & Dam, K. V. (2016). Cheating on unproctored internet intelligence tests: Strategies and effects. Personnel Assessment and Decisions, 2(1), 3.

Landers, R. N., & Sackett, P. R. (2012). Offsetting performance losses due to cheating in unproctored Internet-based testing by increasing the applicant pool. International Journal of Selection and Assessment, 20, 220-228.

Shepherd, W. J., Do, B. R., & Drasgow, F. L. (2003, April). Assessing equivalence of online noncognitive measures: Where research meets practice. Paper presented at the 18th Annual Conference of the Society for Industrial and Organizational Psychology, Orlando, FL.

Tippins, N. T. (2009). Internet alternatives to traditional proctored testing: Where are we now? Industrial and Organizational Psychology: Perspectives on Science and Practice, 2, 2-10.

Tippins, N. T., Beaty, J., Drasgow, F., Gibson, W. M., Pearlman, K., Segall, D. O., & Shepherd, W. (2006). Unproctored Internet testing in employment settings. Personnel Psychology, 46, 189-225.

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