La proxémique, ou l’art d’interagir à la bonne distance
La proxémique est l’étude des distances que les individus préfèrent maintenir lorsqu’ils entrent en conversation avec d’autres personnes.
L’anthropologue Edward T. Hall a fait un certain nombre d’observations à ce sujet au début des années 1960. En mesurant les distances interpersonnelles adoptées par des Américains de la classe moyenne, il en est venu à définir quatre zones proxémiques : l’espace intime, l’espace personnel, l’espace social et l’espace public.
Dans son ouvrage désormais classique The Hidden Dimension (La dimension cachée), le Dr Hall souligne que les sentiments que les individus éprouvent les uns envers les autres sont un facteur décisif de la distance adoptée dans leurs interactions sociales. Il convient cependant de prendre également en compte certaines différences culturelles. Ainsi, les cultures où les interlocuteurs recourent au contact physique, telles que celles de l’Amérique latine et du Moyen-Orient, ont tendance à privilégier une proximité plus étroite que les cultures sans contact, comme celles de l’Asie de l’Est et de l’Amérique du Nord.
En ayant une meilleure connaissance des principales zones de proximité, vous serez mieux à même de saisir les différences qui caractérisent à la fois les individus et les différents groupes culturels ou socio-économiques.
Une organisation de l’espace à géométrie variable
Les quatre zones de distance observées dans l’usage culturel que l’homme fait de l’espace sont les suivantes :
1. La distance intime, caractérisée par un contact direct. La proximité permet alors d’exprimer de l’affection, de fournir du réconfort, d’assurer la protection ou d’avoir une interaction physique.
2. La distance personnelle, qui s’étend de 1 à 4 pieds. À cette distance, des sujets d’intérêt personnel peuvent être abordés tout en laissant la possibilité d’un contact physique.
3. La distance sociale, allant de 4 à 12 pieds. À cette distance, le discours est plus formel, à la fois professionnel et social.
4. La distance publique, de 12 à 25 pieds ou plus. À cette distance, aucun contact physique n’est attendu et très peu de contact visuel direct est possible. Les espaces publics tels que les centres commerciaux, les aéroports et les trottoirs des villes sont conçus pour maintenir cette distance.
Selon les situations, les individus régulent d’habitude automatiquement et de manière fiable la distance entre eux et les autres lors de leurs interactions sociales.
La définition d’un espace personnel, défini comme la zone autour de l’individu où l’intrusion d’autres personnes provoque une gêne, est l’un des mécanismes par lesquels cette régulation est réalisée.
Cette zone, très personnelle, est elle-même décrite par la neuropsychologie comme comportant différentes limites correspondant aux types de proximité avec son corps qu’accepte un individu.
- L’espace extra-personnel est situé hors de la portée de la personne.
- L’espace péripersonnel est à la portée de tout membre (bras ou jambes) de la personne.
- L’espace péricutané se trouve juste à l’extérieur du corps et est donc susceptible de se trouver en contact. Les perceptions visuelles et tactiles se chevauchent dans ce type d’espace, ce qui peut engendrer des sensations telles que le chatouillement, causées par des stimuli proches mais non directement en contact avec la peau (comme une plume agitée au-dessus de la main).
Des effets bénéfiques au travail
Ignorer ces différentes zones proxémiques en contexte professionnel peut nuire à vos relations de travail. À l’inverse, prendre en compte les préférences de vos collègues quant à la distance à maintenir dans vos interactions avec eux peut avoir des effets bénéfiques sur les plans suivants :
1. Communication : Comprendre et respecter les préférences de proximité de ses collègues peut favoriser une communication plus efficace. Par exemple, certains de vos collègues peuvent se sentir mal à l’aise si vous vous approchez trop près d’eux lors d’une discussion, tandis que d’autres peuvent préférer une proximité plus étroite pour se sentir plus engagés dans la conversation.
2. Relationnel : Le respect des zones de proximité peut contribuer à établir des relations de travail plus harmonieuses. Si vos collègues se sentent à l’aise dans leur espace personnel, ils sont susceptibles de se sentir respectés et valorisés, ce qui peut renforcer les liens interpersonnels et favoriser une atmosphère de travail positive.
3. Productivité : Une connaissance et une prise en compte des préférences de proximité peuvent également contribuer à une plus grande productivité au travail. Par exemple, si un de vos collaborateurs préfère un espace plus privé pour se concentrer, respecter cette préférence peut augmenter son efficacité et sa concentration.
4. Gestion des conflits : Le non-respect des zones de proximité peut entraîner des conflits interpersonnels. Être conscient des limites de proximité de ses collègues et les respecter contribuera à éviter les tensions et les malentendus au sein de votre équipe.
5. Culture organisationnelle : Les normes de proxémique peuvent varier d’une culture à une autre, ainsi que d’un environnement de travail à un autre. En comprenant et en respectant ces différences, les membres de votre équipe peuvent favoriser une culture organisationnelle inclusive et respectueuse.
En résumé, la mise en application des principes de la proxémique peut contribuer à créer un environnement de travail plus sain et plus harmonieux. Il revient en ce sens à chacun de veiller à ne pas transgresser les limites fixées par les autres. Après tout, l’étendue de l’espace personnel de ceux et celles que vous côtoyez est comparable à une sphère protectrice. Une réaction du type « n’entre pas dans ma bulle ! » vous invite donc non seulement à prendre vos distances, mais aussi à revoir votre façon d’interagir avec autrui.