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Paul Goldman, éditeur

Mieux comprendre l’empathie





L empathie se définit comme la capacité de comprendre et de ressentir ce qu’éprouvent les autres. Bien qu’elle soit commune à un grand nombre de mammifères, on la retrouve très fortement chez Homo sapiens. Cependant, le niveau d’empathie peut être très différent d’une personne à l’autre. Cette caractéristique, qui se transforme ainsi en force ou en faiblesse chez nous, est une faculté plus complexe que l’on peut imaginer.


Comment l’empathie se manifeste-t-elle?


Selon Anaïs Roux, auteure du balado Neurosapiens et d’un ouvrage du même titre, il existerait deux formes d’empathie : affective et cognitive.


L’empathie affective est celle qui est le plus communément éprouvée. Elle désigne la capacité de ressentir les émotions des autres, tout en évitant de les confondre avec les siennes. Il existe en effet toujours un risque de contagion des émotions. Or, s’il est souhaitable de se mettre à la place de l’autre pour mieux percevoir ce qu’il vit, il importe de ne pas se laisser envahir par ces émotions afin de conserver un contrôle sur soi.


L’empathie cognitive consiste quant à elle à comprendre les émotions ou l’état d’esprit des autres sans toutefois les ressentir. Nous sommes ici dans un processus intellectuel de reconnaissance de l’émotion vécue par autrui sans qu’il y ait d’identification qui s’opère.


Pour faire comprendre ce qui distingue ces deux types d’empathie, Anaïs Roux propose de les comparer aux deux faces d’une pièce de monnaie.


L’empathie affective, correspondant à la face visible de la pièce, agit de manière ascendante (bottom-up), c’est-à-dire qu’elle effectue chez quelqu’un la synthèse des éléments de base que sont les émotions perçues chez autrui. La personne empathique vit les émotions qu’elle perçoit chez l’autre, elle y réagit dans son corps.


L’empathie cognitive, elle, est comparable à la face inverse, pour ne pas dire invisible, de la pièce : elle agit de manière descendante (top-down) en se servant de la cognition pour analyser le portrait d’ensemble et cerner chacune des émotions exprimées par l’autre. La personne empathique a une connaissance détaillée de ces émotions, mais elle reste détachée.


Ces deux approches fonctionnent en parallèle, selon le moment ou les émotions en cause.


Certaines personnes sont malgré tout plus susceptibles de montrer une empathie cognitive, alors que d’autres ont tendance à éprouver une empathie affective. Par exemple, on sait que les gens qui n’ont pas la capacité de ressentir la douleur (voir les études de Danziger, 2009) n’arrivent pas à ressentir l’affect d’un autre. La seule forme d’empathie qu’ils montrent est de nature cognitive et rationnelle puisque les émotions manifestées par autrui ne les atteignent pas. En général, ces personnes ont un niveau d’empathie plus faible.


Empathie et neurosciences


Les plus récentes recherches essaient de démontrer que l’empathie serait la résultante de l’effet de cellules miroirs.


« Les neurones miroirs sont une catégorie de neurones du cerveau qui présentent une activité aussi bien lorsqu’un individu exécute une action que lorsqu’il observe un autre individu exécuter la même action, ou même lorsqu’il imagine une telle action, d’où le terme “miroirˮ », explique Claire Dussaule, neurologue. ( Mathon 2013 )


Ces neurones joueraient un rôle important dans la cognition sociale, entre autres par l’apprentissage par imitation. Ils contribueraient largement à forger l’empathie, en renforçant la capacité de ressentir ce que l’autre ressent.


Les neurosciences décrivent ainsi l’empathie comme un processus cognitif qui sollicite un large spectre de l’activité cérébrale et la participation d’un grand nombre de structures cérébrales. C’est un travail intense de représentation et d’imagination qui s’opère en nous afin d’arriver à ressentir ce que l’autre vit.


La capacité d’adopter la perspective de l’autre viendrait de l’activation du cortex préfrontal ventromédian, juste derrière le front. Une autre zone activée se trouverait à la jonction temporo-pariétale, derrière vos oreilles. À la source de l’empathie, il y aurait l’amygdale, qui joue (entre autres) un rôle important dans la reconnaissance de la peur sur le visage des autres.


Les études de Abigail Marsh en 2019 ont démontré que les personnes chez qui il y avait une plus grande capacité d’activation de l’amygdale, et donc qui reconnaissaient mieux la peur sur le visage des autres, donnaient plus d’argent et de temps aux personnes en difficulté. Elles montreraient donc un niveau plus élevé d’empathie.


Dans plusieurs études de cette chercheuse, on a constaté que des enfants atteints d’un trouble de la personnalité et montrant une activation différente de l’amygdale dans leurs rapports sociaux exprimaient des niveaux d’empathie plus faibles que la moyenne des gens.


Une part de l’empathie pourrait donc provenir de traits génétiques. D’autres recherches seront nécessaires afin de valider cette hypothèse, mais les premières études semblent indiquer un lien en ce sens. Actuellement, nous attribuons le degré d’empathie au développement de la personnalité.


Une conclusion importante à retenir, selon Anaïs Roux, est que l’empathie serait en position ON chez la grande majorité de la population, alors qu’elle serait en mode OFF chez les personnes souffrant de troubles mentaux (c’est-à-dire présentant un trouble de la personnalité ou une psychopathologie). L’imagerie cérébrale le confirmerait, car on dénote une plus forte activité cérébrale dans la région du cortex préfrontal et de l’amygdale chez les personnes qui montrent un niveau d’empathie supérieur reconnu par les autres.


La capacité d’avoir de l’empathie permettrait à l’humain de mieux anticiper et reconnaître les émotions, et donc de faire de meilleures prédictions sur les intentions et les besoins des autres. Cette faculté déboucherait sur des comportements prosociaux comme la coopération et l’entraide.


Et du côté de la psychométrie?


Rappelons que les tests de personnalité qui permettent de mesurer l’empathie n’indiquent pas si celle-ci est de nature affective ou cognitive. Leurs résultats constituent une mesure autodéclarée du niveau d’empathie (comparé à celui des autres par l’intermédiaire de données normatives), la personne étant amenée à juger comment elle se comporterait ou quelle attitude elle adopterait dans des situations courantes de la vie.



Bibliographie


Anaïs Roux, Neurosapiens, Paris, Les éditions Les Arènes, 2023.

B. Mathon, Les neurones miroirs : de l’anatomie aux implications physiopathologiques et thérapeutiques, Revue Neurologique,Volume 169, Issue 4, 2013, Pages 285-290, ISSN 0035-3787,

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