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Évaluation de candidatures françaises en contexte canadien


Voici une question d’une cliente :

 

Je me permets de vous solliciter ce matin pour éclaircir un point : j’utilise le NEO PI 3 depuis de nombreuses années et j’ai constaté que les candidats originaires de France obtiennent systématiquement de faibles scores en droiture et en confiance. Ces résultats remettent souvent en question la sélection de ces profils. Or, dans la réalité, plusieurs candidats français performent très bien en poste malgré ces évaluations. Comment expliquer cet écart ? Existe-t-il un biais culturel documenté dans le NEO à l’encontre des candidats français ?

 

Le texte qui suit a été rédigé pour y répondre.


Il est tout à fait possible d’observer des différences dans les scores de certains traits de personnalité, comme la « droiture » (souvent associée à la facette Straightforwardness du NEO PI) et la « confiance » (associée à la facette Trust), en fonction des cultures ou des pays de résidence. Dans le cas présent, il semble que les candidates et candidats français soient évalués à partir de normes canadiennes et que cela génère un écart systématique dans leurs résultats.


Différences culturelles et normes de comparaison


Les inventaires de personnalité comme le NEO reposent sur des normes établies à partir d’échantillons de référence (p. ex. un échantillon de la population canadienne pour une version donnée du test). Or, d’une culture à l’autre, les individus peuvent interpréter différemment certaines questions (p. ex. notion de modestie) ou avoir tendance à répondre d’une manière qui reflète leur cadre de référence culturel (p. ex. méfiance envers certains énoncés ou manière de présenter ses qualités et défauts). Ainsi, si un candidat français, par exemple, est comparé avec une norme strictement canadienne, ses résultats pour certains traits peuvent paraître « faibles », non parce qu’il manque réellement de droiture ou de confiance, mais parce que sa façon de répondre, ou encore sa vision de la confiance et de l’honnêteté, diffère de celle du groupe de référence.


Biais culturel ou écart normatif ?


On parle parfois de « biais culturel » lorsqu’un test favorise de façon systématique un groupe culturel plutôt qu’un autre. Dans le cas présent, il est plus exact de parler d’un écart normatif. Cela signifie simplement que, pour tel ou tel trait de la personnalité, les moyennes des réponses varient selon les pays. Des études ont montré, par exemple, que les scores d’Agréabilité (dimension qui regroupe notamment les facettes de droiture et de confiance) peuvent fluctuer en fonction du contexte culturel. Pour avoir une représentation plus juste des résultats, il serait préférable d’utiliser des normes françaises validées pour l’outil en question, ou du moins de prendre en considération les différences culturelles dans l’interprétation.


Lien entre la personnalité et la performance au travail


Les travaux de recherche (méta-analyses et études longitudinales) indiquent que les traits les plus étroitement liés à la performance professionnelle sont la Conscience (ou Conscienciosité) et la Stabilité émotionnelle. Bien qu’un score plus faible en « droiture » ou en « confiance » puisse intriguer, cela ne prédit pas nécessairement une contre-performance au travail, surtout si les scores pour les autres traits (comme la Conscience) sont élevés. Il est donc essentiel de replacer l’interprétation du test dans un cadre global : la personnalité ne se limite pas à un ou deux traits isolés, et la réussite professionnelle est multifactorielle.


Mieux comprendre et contextualiser les résultats


Lorsqu’une candidate ou un candidat français est évalué en contexte étranger, les recommandations suivantes peuvent être faites afin de parvenir à une interprétation plus juste des scores :


·       Adapter ou complémenter les outils : Si les candidats français sont amenés à travailler dans un contexte international ou au Canada, il peut être utile de complémenter les tests de personnalité par d’autres outils d’évaluation (entretiens, mises en situation, tests de compétences, références professionnelles, etc.).

·       Faire preuve de souplesse dans l’interprétation : Les recruteurs et les responsables RH doivent tenir compte du fait qu’un score « faible » dans un contexte comparatif canadien ne signifie pas nécessairement que le candidat possède véritablement un faible niveau de ce trait par rapport à la norme française.

·       Utiliser une norme française : Lorsque cela est possible, recourir à une norme propre à la population française pour le NEO (p. ex. NEO PI-3, version française validée) permet d’obtenir une interprétation plus précise des résultats.


Voici quelques éléments de réflexion supplémentaires pour justifier l’utilisation combinée des normes française et canadienne dans l’évaluation d’une candidature venant de France :


Pourquoi comparer la personne candidate à la norme canadienne ?


  1. Pour considérer son contexte de travail : Puisque cette personne travaillera dans un environnement majoritairement canadien, connaître son positionnement par rapport à la population canadienne est pertinent pour prévoir comment elle interagira et s’intégrera au sein d’une équipe locale.

  2. Pour prévoir les ajustements culturels nécessaires : En comparant la candidate ou le candidat à la norme canadienne, il est possible d’anticiper certaines différences culturelles ou certaines perceptions qui pourraient influencer le climat de travail, la communication, la collaboration, etc.


Pourquoi s’intéresser (aussi) à la norme française ?


  1. Pour comprendre la « base » culturelle d’une candidature : Si l’on recourt exclusivement à la norme canadienne, on risque parfois de sous-estimer ou de surestimer certains traits, simplement parce que la manière de répondre et les valeurs de référence diffèrent.

  2. Pour affiner l’interprétation des scores : Utiliser en complément une norme française (ou au moins s’y référer pour comparaison) permet de comprendre si le score du candidat est « vraiment » faible ou élevé par rapport à son groupe culturel de référence, avant même de le mettre en perspective avec la culture cible. Cela peut aider à repérer les écarts et, ainsi, à mieux cibler les points de vigilance ou d’adaptation.


Limites et nuances à garder à l’esprit


  1. Le test n’est pas le seul outil à votre disposition : Comme toujours, l’interprétation d’un questionnaire de personnalité doit s’intégrer dans une démarche plus large : entretien, évaluation des compétences, références, etc.

  2. Les contextes multiples fournissent des informations complémentaires : Même si le candidat sera amené à travailler dans un contexte canadien, il n’en demeure pas moins influencé par son éducation, sa mentalité, son système de croyances, bref son « bagage français ». Pour prévoir sa future adaptation, il est utile de combiner ces deux angles d’analyse que sont les normes canadienne et française.

  3. L’influence de la culture s’ajoute au rôle que joue la personnalité : Certaines différences de réponses relèvent moins de la personnalité profonde que de la manière dont les questions sont comprises ou valorisées dans une culture donnée (p. ex. le rapport à l’autorité, la réserve ou la franchise dans la communication).


Comment s’y prendre concrètement


o   Comparer les deux interprétations : Si les conditions le permettent, on peut examiner les résultats à la lumière des deux normes (française et canadienne). On obtiendra alors une vision plus complète :

§  Comment le candidat se situe-t-il par rapport à son groupe d’origine (norme française) ?

§  Comment le candidat se positionne-t-il par rapport à la population canadienne ?

o   Expliquer ces nuances au candidat et à l’équipe des RH : Un retour constructif doit souligner que les différences observées ne signifient pas forcément une incompatibilité. Au contraire, elles peuvent mettre en lumière des ajustements attendus ou un style de fonctionnement différent.

o   Tenir compte du poste et de l’environnement : Certains rôles exigent plus fortement l’Agréabilité ou la Conscience, d’autres moins. Il convient donc de mettre les résultats en perspective par rapport aux missions concrètes, aux exigences du poste et à la culture organisationnelle au Canada.


En guise de conclusion

  1. Il n’y a pas de « bonne » ou de « mauvaise » norme à utiliser : tout dépend de la finalité de l’évaluation. Par ailleurs, dans le cadre d'un recrutement au Canada, cette référence à la norme est essentielle pour comparer le candidat à la population dans laquelle il travaillera.

  2. Si l’objectif est de prédire l’aisance du candidat et les enjeux de collaboration au Canada, la norme canadienne est clairement utile.

  3. Toutefois, considérer la norme française parallèlement peut aider à mieux comprendre l’origine de certains écarts, et ainsi faciliter un accompagnement plus fin dans l’intégration et l’adaptation au milieu de travail canadien.


L’idéal n’est pas nécessairement d’éliminer la comparaison avec la norme canadienne (puisque c’est justement le contexte dans lequel le candidat devra évoluer), mais plutôt d’enrichir l’interprétation en tenant compte, au besoin, de la norme française. L’évaluation gagnera ainsi en finesse, ce qui facilitera autant la sélection du candidat que sa future intégration.

 

En résumé, l’écart observé chez les candidats français relativement aux scores de « droiture » et de « confiance » n’est pas nécessairement révélateur d’un défaut de caractère ou d’une incompatibilité avec le poste. Il s’agit plutôt d’une différence culturelle et normative : la référence utilisée pour interpréter les résultats est issue d’un échantillon canadien, ce qui peut altérer la perception des scores. De plus, la performance au travail est davantage influencée par des dimensions telles que la Conscience et la Stabilité émotionnelle. Il est donc recommandé de prendre en compte ce contexte et, dans la mesure du possible, d’utiliser une norme française ou de compléter l’évaluation par d’autres méthodes pour affiner la sélection et l’interprétation des profils.

 
 
 

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